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CHAPITRE 2 Les règles posées par l'ordonnance du 4 juillet 2005


Introduction

L'ordonnance du 4 juillet 2005 a réformé le droit de la filiation et est codifiée dans le Livre Premier, Titre VII du Code civil (articles 310 à 342-8). Ce titre traite de la filiation par procréation naturelle et se divise en quatre chapitres : dispositions générales, établissement non contentieux de la filiation, actions relatives à la filiation et action à fins de subsides.

I. Les dispositions générales

Ces règles concernent toutes les filiations issues d'une procréation naturelle et s'articulent autour de trois thèmes : la preuve de la filiation, les présomptions et les actions en justice.

II. La preuve du lien de filiation

Le lien de filiation ne se prouve pas librement, en raison de ses conséquences importantes (droits successoraux, autorité parentale, obligations alimentaires). Trois modes d'établissement existent :

  1. Le titre d'état civil : Il repose sur l'acte de naissance et l'acte de reconnaissance.
  • L'acte de naissance établit uniquement la filiation maternelle. Si la mère n'est pas mentionnée (ex. accouchement sous X), aucune filiation maternelle ne peut être déduite.
  • L'acte de reconnaissance permet à une personne de déclarer être le parent d'un enfant, sans obligation de preuve biologique.
  1. Les conditions de validité de la reconnaissance :
  • Conditions tenant à l'auteur : La reconnaissance peut être faite par la mère ou le père, doit être libre et sans vice du consentement, et ne requiert aucune autorisation préalable.
  • Conditions tenant à l'enfant : Tous les enfants peuvent être reconnus, sauf exceptions (inceste absolu, adoption plénière, PMA avec tiers donneur).
  1. Les conditions de forme : L'acte de reconnaissance est un acte solennel devant être passé devant un notaire, un juge ou un officier d'état civil.

III. Renforcement des contrôles (Loi du 10 septembre 2018)

Afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses, la loi impose désormais la présentation d'une pièce d'identité et d'un justificatif de domicile. Un officier d'état civil peut saisir le Procureur de la République en cas de doute, qui dispose alors de 15 jours pour statuer.

IV. Effets de la reconnaissance

La reconnaissance produit un effet déclaratif (effet rétroactif à la naissance), un effet probatoire (preuve de la filiation) et un effet irrévocable. Elle ne peut être remise en cause que par une action en contestation de filiation, sur justification d'une preuve contraire


B. L'acte de notoriété constatant la possession d'état

L'acte de notoriété est un document officiel délivré par un notaire qui constate la possession d'état entre un enfant et un adulte. La possession d'état est un ensemble d'éléments de fait qui démontrent qu'une personne a été traitée comme l'enfant d'un adulte, indépendamment d'un lien biologique. Cet acte peut ainsi servir de preuve unique pour établir un lien de filiation.

Conditions de délivrance de l'acte de notoriété

  1. Délai pour demander l'acte
  2. L'acte de notoriété doit être demandé dans un délai de cinq ans, qui commence à courir soit à compter de la cessation de la possession d'état, soit du décès du parent prétendu. Par exemple, si un adulte élève un enfant de 2022 à 2025, l'acte de notoriété pourra être demandé jusqu'en 2030, même si l'adulte n'a plus de contact avec l'enfant.
  3. Qui peut demander l'acte de notoriété ?
  4. L'acte peut être demandé par l'enfant ou par le parent prétendu. Si l'enfant est mineur, l'autre parent peut le représenter dans cette démarche.
  5. Comment prouver la possession d'état ?
  6. Selon l'article 317 du Code civil, le notaire doit entendre au moins trois témoins qui peuvent attester du lien parental entre l'adulte et l'enfant. Ces témoignages peuvent être complétés par des documents supplémentaires tels que des courriers, des photos, ou des documents administratifs. Le notaire a le pouvoir d'apprécier ces preuves et de décider s'il délivre ou non l'acte.

C. La décision de justice

Lorsque la filiation ne peut être établie par un titre d'état civil ou un acte de notoriété, un jugement peut être rendu pour reconnaître la filiation. Dans ce cas, le juge tranche la question de la filiation, et la décision a force de loi. La filiation est alors prouvée par la production d'une copie de la décision judiciaire.


II. Les présomptions relatives à la filiation

Les présomptions en matière de filiation permettent de déduire un fait inconnu (la filiation) à partir d'un fait connu (le comportement des parents, la conception de l'enfant). Elles sont cruciales pour établir la filiation dans des situations où la preuve directe fait défaut. Les présomptions se divisent en deux catégories : celles relatives à l'époque de la conception de l'enfant et celles reposant sur la possession d'état.

A. Les présomptions relatives à l'époque de la conception de l'enfant

La période de conception d'un enfant a des conséquences juridiques importantes. Par exemple, si la mère est mariée au moment de la conception, la présomption de paternité s'applique automatiquement. Le Code civil pose deux présomptions relatives à cette période :

  1. La présomption relative à la période légale de conception
  2. L'article 311 du Code civil prévoit que l'enfant est présumé avoir été conçu entre le 300e et le 180e jour précédant sa naissance. Cela repose sur des données scientifiques concernant la durée moyenne de la gestation. Un enfant né avant 180 jours de gestation serait considéré comme non viable, et un enfant né après 300 jours pourrait être considéré comme né d'une grossesse prolongée.
  3. La présomption relative au jour précis de la conception
  4. L'article 311-1 du Code civil précise que, au sein de cette période de 121 jours, la conception de l'enfant est présumée avoir eu lieu à n'importe quel jour. Cette présomption, dite "omni momento", permet à l'enfant de choisir le jour de la conception le plus favorable à ses droits, notamment en matière de succession.
  5. Exemple : Un enfant né le 31 décembre 2024 est présumé avoir été conçu entre le 6 mars et le 4 juillet 2024. Si son père est décédé le 1er juin 2024, l'enfant pourra choisir une date de conception avant cette date pour hériter.

B. La présomption reposant sur la possession d'état

La possession d'état repose sur le comportement d'un adulte envers un enfant, sans se baser sur la réalité biologique, mais sur une vérité sociologique. Elle consiste à établir que l'adulte a toujours agi comme le parent de l'enfant, indépendamment d'un lien biologique.

Arrêt du 23 novembre 2022 (Cour de cassation, 1re chambre civile)

La Cour de cassation a rappelé que la possession d'état repose sur une réalité affective, matérielle et sociale, et non biologique.

  1. Les éléments constitutifs de la possession d'état
  2. Pour être reconnue, la possession d'état doit remplir trois conditions :
  • Continue : L'adulte doit se comporter comme le parent de l'enfant de manière constante.
  • Paisible : Elle ne doit pas être contestée par d'autres.
  • Publique : Le lien parental doit être reconnu par l'entourage (famille, amis, administration).
  1. La preuve de la possession d'état
  2. La possession d'état peut être prouvée par des témoignages (au moins trois témoins) et d'autres documents comme des photos de famille, des courriers, ou des décisions de justice antérieures. Le notaire ou le juge apprécie librement ces éléments.

Les éléments constitutifs : Tractatus, Fama, et Nomen

La possession d'état repose sur trois éléments essentiels :

  • Le Tractatus (traitement) : L'adulte doit traiter l'enfant comme son propre enfant, et l'enfant doit reconnaître l'adulte comme son parent.
  • La Fama (réputation publique) : L'entourage, famille, amis, et l'administration doivent reconnaître l'adulte comme le parent.
  • Le Nomen (nom) : Traditionnellement, l'enfant porte le nom du parent prétendu, mais depuis la réforme de 2002, le nom n'est plus aussi déterminant pour établir la possession d'état.

Conséquence : Même si l'enfant ne porte pas le nom du parent prétendu, la possession d'état peut être reconnue si les autres éléments sont rempli


2. Observations sur ces éléments constitutifs

📌 a) Les juges peuvent exiger d’autres éléments de preuve

L’article 311-1 du Code civil précise que les éléments tractatus, fama et nomen sont "notamment" ceux qui permettent d’établir la possession d’état.

Cela signifie que :

  • Le juge peut prendre en compte d’autres indices (témoignages, documents officiels, actes de la vie quotidienne…).
  • La liste des éléments constitutifs n’est pas limitative.

📌 b) Les trois éléments ne sont pas toujours cumulativement exigés

  • Un lien de filiation peut être reconnu même si l’un des trois éléments manque.
  • Cependant, le tractatus est indispensable : sans preuve d’un traitement parental réciproqueaucune possession d’état ne peut être reconnue.

2. Les caractères de la possession d’état

La possession d’état n'a de valeur juridique que si elle présente plusieurs caractéristiques définies par la loi. L’article 311-2 du Code civil en impose quatre, et la jurisprudence en a ajouté un cinquième.

A. Les caractères exigés par la loi

L’article 311-2 du Code civil impose quatre caractères cumulatifs pour établir la possession d’état. Si l’un de ces caractères fait défaut, la filiation ne peut être reconnue.

  1. Une possession d’état continue
  2. La continuité n’implique pas une relation constante, mais elle doit être régulière sur une période suffisamment longue. Par exemple, un homme s’occupant d’un enfant uniquement les week-ends peut démontrer une possession d’état continue. La relation ne doit pas être épisodique mais maintenue sur plusieurs années. La jurisprudence varie quant à la durée minimale requise, certains juges parlant de six mois, d'autres d'un ou deux ans. La Cour de cassation précise trois éléments essentiels :
  • La possession d’état peut être prénatale.
  • Elle n’est pas exigée dès la naissance.
  • Elle n’a pas besoin d’être actuelle au moment où elle est invoquée.
  1. Une possession d’état paisible
  2. La possession d’état doit être exercée sans contrainte, pression ou violence. Par exemple, si un parent force l’autre à agir comme s’il était le parent de l’enfant, cela ne constitue pas une possession d’état paisible.
  3. Une possession d’état publique
  4. La possession d’état doit être visible aux yeux de tous. Elle doit être reconnue par l'entourage et l’administration. Toute tentative de dissimulation de cette possession d’état n’aura pas d’effet juridique.
  5. Une possession d’état non équivoque
  6. La possession d’état ne doit pas prêter à confusion. Il ne doit pas exister de doutes sur le lien entre le parent prétendu et l’enfant. Des situations ambiguës peuvent naître dans deux cas :
  • La possession d’état successive : un enfant est successivement traité comme l’enfant de différentes personnes.
  • La possession d’état concurrente : plusieurs personnes prétendent simultanément être les parents de l’enfant.

B. Le caractère consacré par la jurisprudence

Depuis un arrêt du 6 avril 2011, la Cour de cassation a introduit un cinquième critère pour la reconnaissance de la possession d’état : celle-ci ne doit pas contrevenir à l'ordre public français.

Un exemple typique concerne la gestation pour autrui (GPA), qui est interdite en France. Ainsi, une mère porteuse qui porte un enfant pour un couple d’intention ne permet pas à ce couple d’établir un lien juridique avec l’enfant via la possession d’état.

3. La preuve de la possession d’état

Une fois que la possession d’état est constituée, il faut la prouver. Avant l'ordonnance de 2005, la possession d’état pouvait être démontrée par tout moyen. Depuis, elle ne peut être prouvée que par un acte de notoriété ou une décision judiciaire dans le cadre d’une action en constatation de possession d’état.

A. La preuve non contentieuse : l’acte de notoriété

L’acte de notoriété est un document rédigé par un notaire pour constater la possession d’état. Trois témoins doivent être entendus et leurs déclarations doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.

Cet acte peut être demandé par le prétendu parent ou l’enfant (directement ou par l’intermédiaire de son représentant légal). En revanche, d’autres personnes, comme les grands-parents ou les descendants de l’enfant, ne peuvent pas faire cette demande.

Le délai pour solliciter un acte de notoriété est de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état ou du décès du parent prétendu.

Deux issues sont possibles :

  1. Le notaire accepte : un acte est rédigé et mentionné en marge de l’acte de naissance de l’enfant, établissant ainsi la filiation.
  2. Le notaire refuse : soit pour des raisons procédurales (délai dépassé, qualité du demandeur), soit pour des raisons de fond (témoignages insuffisants). Dans ce cas, il existe une autre voie de preuve, la voie contentieuse.

B. La preuve contentieuse : l’action en constatation de la possession d’état

Si la possession d’état ne peut être prouvée par un acte de notoriété, il est possible de saisir le tribunal judiciaire par une action en constatation de possession d’état. Cette action permet de faire constater par un jugement l’existence d’un lien de filiation fondé sur la possession d’état.

  1. Les conditions d’exercice de l’action en constatation
  2. Pour qu’une action en constatation de possession d’état aboutisse, trois conditions doivent être réunies :
  • Absence d’acte de notoriété : Si un acte de notoriété a déjà été délivré, l’action devient inutile, car la possession d’état a déjà été reconnue. Toutefois, il n’est pas obligatoire de tenter d’obtenir un acte de notoriété avant de saisir le tribunal.
  • Absence d’un lien de filiation légalement établi : Si l’enfant a déjà un lien de filiation reconnu, une nouvelle filiation ne peut être établie sans contester le lien existant.
  • Preuve de la possession d’état : Le demandeur doit prouver la possession d’état. Avant 2011, l’expertise génétique était exclue pour prouver la possession d’état. Cependant, depuis un arrêt du 16 juin 2011, la possession d’état peut désormais être prouvée par tout moyen, à l’exception d’une expertise génétique. L’action repose ainsi sur l’analyse des comportements entre le prétendu parent et l’enfant.
  1. Le régime de l’action en constatation
  2. Cette action relève du droit procédural et soulève plusieurs questions :
  • Qui peut agir ? Tout individu ayant un intérêt légitime peut intenter l’action, y compris le prétendu parent, l’enfant, ou toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, tel qu’un membre de la famille.
  • Le délai de prescription : L’action en constatation de possession d’état se prescrit par dix ans (article 330 du Code civil). Ce délai commence à courir à partir de la cessation de la possession d’état ou du décès du parent prétendu.
  1. Les effets de l’action en constatation
  2. Si le tribunal reconnaît la possession d’état, il rend un jugement constatant l’existence d’un lien de filiation. Les conséquences sont les suivantes :
  • Établissement du lien de filiation : Le jugement entraîne l’inscription de la filiation sur l’acte de naissance de l’enfant. Le parent ainsi reconnu acquiert les droits et obligations liés à ce statut.
  • Conséquences sur l’autorité parentale : Si l’enfant est mineur, le tribunal peut statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à son entretien et son éducation.
  • Attribution du nom : Le tribunal peut décider que l’enfant portera le nom du parent reconnu.

En résumé, l’action en constatation de possession d’état permet d’officialiser juridiquement un lien de filiation fondé sur une relation de fait, en l’absence de titre juridique initial.


III. Les actions relatives à la filiation

Les actions en matière de filiation obéissent à plusieurs principes fondamentaux.

A. Les caractères des actions relatives à la filiation

  1. Un caractère indisponible : Les actions en filiation ne sont pas librement négociables. Les parties ne peuvent pas renoncer à leur droit d’agir en justice pour établir ou contester un lien de filiation.
  2. Un caractère personnel : Seules les personnes directement concernées (l’enfant, les parents ou leurs représentants légaux) peuvent agir en justice.
  3. Un caractère intransmissible : L’action en filiation ne peut pas être poursuivie par les héritiers, sauf si la procédure a été engagée de son vivant.
  4. Un caractère prescriptible : Les actions en filiation doivent être exercées dans un délai spécifique, sous peine de forclusion. Ce délai varie selon le type d’action (contestation ou établissement de filiation).

Section 2 : Les dispositions particulières

Sous-section 1 : Les dispositions particulières relatives à l’établissement de la filiation

I. L’établissement extrajudiciaire de la filiation

L’établissement extrajudiciaire de la filiation permet de créer un lien juridique entre un enfant et ses parents sans recourir à une décision judiciaire. Ces mécanismes concernent aussi bien la maternité que la paternité.

A. L’établissement extrajudiciaire de la maternité

L’établissement de la maternité repose sur un mode principal et une exception (tempérament).

  1. Le mode principal En droit français, la maternité est automatiquement établie par l’accouchement, à condition que le nom de la mère figure dans l’acte de naissance de l’enfant. Cette règle repose sur le principe mater certa est (la mère est toujours certaine).
  • Application de la règle à toutes les femmes
  • Selon l’article 325 du Code civil, la mère d’un enfant est celle qui accouche. Il n’est pas nécessaire pour une femme de faire une démarche spécifique pour établir la maternité. Le nom de la mère dans l’acte de naissance suffit. Avant la réforme de 2005, seule la mère mariée bénéficiait de cette reconnaissance automatique. Désormais, toutes les femmes, qu'elles soient mariées ou non, sont reconnues comme mères de l’enfant.
  1. Le tempérament Une exception existe : l'accouchement sous X. L’article 326 du Code civil permet à une femme d’accoucher anonymement et de refuser que son identité soit révélée. Dans ce cas, l’enfant n’a pas de filiation maternelle établie et sera pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance pour une adoption.

b. Inapplication de la règle aux hommes

Contrairement à la maternité, la paternité n’est pas automatiquement établie par l’inscription du nom du père dans l’acte de naissance.

  • La règle
  • Un homme n’est pas juridiquement père simplement parce que son nom est inscrit sur l’acte de naissance. La filiation paternelle peut être établie par la présomption de paternité (si l’homme est marié à la mère) ou par reconnaissance volontaire.
  • Le tempérament
  • Le seul cas où la paternité est automatiquement établie concerne la présomption de paternité (article 312 du Code civil), lorsque la mère est mariée et accouche. Si le nom du mari est mentionné dans l’acte de naissance, il est automatiquement considéré comme le père de l’enfant, sauf en cas de contestation.

2. Les modes subsidiaires

A. La reconnaissance

La reconnaissance est un mode subsidiaire d’établissement de la filiation qui ne peut être utilisé que si le mode principal d’établissement de la filiation ne fonctionne pas. Autrement dit, avant qu’une mère ou un père puisse recourir à la reconnaissance, il faut d’abord s’assurer que le mode principal d’établissement de la filiation n’est pas applicable. De plus, il n’existe aucune hiérarchie entre la reconnaissance et la possession d’état : le parent a le choix d’utiliser l’un ou l’autre de ces modes pour établir la filiation.

Ces modes ne sont pas automatiques et nécessitent des démarches spécifiques, comme une déclaration devant l’officier d’état civil.

Cas d’application de la reconnaissance

Bien que rare, la reconnaissance peut être nécessaire dans plusieurs situations :

  1. Accouchement sous X : Si une femme accouche sous X et décide après quelques semaines de reconnaître son enfant, elle ne pourra plus établir sa filiation par l’effet de la loi. La seule solution restante sera la reconnaissance.
  2. Annulation de la filiation maternelle : Si la filiation établie par l’accouchement est annulée par le juge, la mère devra procéder à une reconnaissance pour rétablir son lien de filiation.
  3. Absence d’acte de naissance : Dans certains cas, aucun acte de naissance n’a été établi. Dans cette situation, la reconnaissance est la seule solution pour établir la filiation.

B. La possession d’état

La possession d’état est un mode subsidiaire d’établissement de la filiation qui repose sur des faits : il s’agit de prouver que la personne s’est comportée comme le parent de l’enfant de manière continue et publique. Ce mode est utilisé en l’absence d’un acte de naissance ou lorsqu’aucune filiation légale n’a été établie.

L’établissement extrajudiciaire de la paternité

1. L’établissement extrajudiciaire de la paternité de l’homme marié

a. La paternité à l’égard de l’enfant dont l’épouse a accouché

L’établissement extrajudiciaire de la paternité d’un homme marié repose sur un mode principal : la présomption de paternité.

1°. Le domaine de la présomption de paternité

L’article 312 du Code civil dispose que :

« L'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari. »

Cela signifie que la présomption de paternité s’applique automatiquement à tous les enfants :

  • Conçus en mariage : La date de conception est prise en compte, et la présomption s’applique aux enfants conçus entre le 180e jour après la célébration du mariage et le 300e jour après la dissolution du mariage.
  • Nés en mariage : Dès lors que l’enfant naît pendant le mariage, peu importe la date de conception, il est couvert par la présomption de paternité.

Ainsi, même après un divorce, si un enfant naît dans les 300 jours suivant la dissolution du mariage, il sera automatiquement rattaché à l’ex-mari.

2°. Les exclusions de la présomption de paternité

La présomption de paternité ne s’applique pas dans deux cas prévus par l’article 313 du Code civil :

  • I. Le nom du mari n’est pas indiqué dans l’acte de naissance de l’enfant
  • Si la mère décide de ne pas mentionner son mari dans l’acte de naissance de l’enfant, la présomption de paternité est automatiquement écartée.
  • II. L’enfant a été conçu pendant une séparation judiciaire des époux
  • Si les époux sont séparés judiciairement et qu’un divorce est en cours, l’enfant conçu pendant cette période ne bénéficiera pas de la présomption de paternité.

3. Le rétablissement de la présomption de paternité

Grand II - Le rétablissement judiciaire lorsque la présomption de paternité est exclue (article 313 du Code civil)

Lorsque la présomption de paternité est écartée en application de l'article 313 du Code civil, il est possible de la rétablir par voie judiciaire. Pour cela, une action spécifique existe : l'action en rétablissement des effets de la présomption de paternité.

Le mari peut saisir le juge afin de prouver qu’il est bien le père biologique de l’enfant. Si cette preuve est apportée, le juge rétablit la présomption de paternité, et le mari est juridiquement reconnu comme père de l’enfant. Cette action, introduite par la loi de 2004, est rarement exercée car elle est longue et coûteuse. En pratique, un mari a davantage intérêt à reconnaître directement l’enfant, ce qui constitue une démarche plus simple et plus rapide.

L’action en rétablissement de la présomption de paternité peut être intentée non seulement par le mari, mais aussi par la femme mariée et l’enfant lui-même. Elle est utile surtout dans les cas où la paternité n’a pas été établie et qu’une personne souhaite la faire reconnaître après coup.

Exemple : une femme mariée accouche d’un enfant mais ne lui attribue pas le nom de son mari, excluant ainsi la présomption de paternité. Si son mari ne reconnaît pas l’enfant et ne se comporte pas comme son père, la filiation n’est pas établie. Dans ce cas, l’action peut être utile pour :

  • La femme, qui réalise après coup qu’elle aurait dû établir la filiation en faveur de son mari.
  • L’enfant majeur, qui souhaite faire reconnaître la paternité de son père présumé.

Les modes subsidiaires d’établissement de la paternité

Lorsque la présomption de paternité ne joue pas, il existe deux autres modes d’établissement de la filiation :

  1. La reconnaissance.
  2. La possession d’état.

Ces modes sont subsidiaires, c’est-à-dire qu’ils ne s’appliquent que si la présomption de paternité ne peut pas fonctionner. Il n’existe pas de hiérarchie entre eux : le mari peut choisir l’un ou l’autre. Toutefois, ils nécessitent une démarche volontaire de sa part.

1° La reconnaissance

La reconnaissance est soumise aux règles générales du droit commun. Toutes les conditions de fond et de forme doivent être respectées pour qu’elle soit valable. Avant la réforme de 2004, un mari ne pouvait jamais reconnaître un enfant né de sa femme. Cette interdiction a été levée, facilitant l’établissement de la filiation.

2° La possession d’état

La possession d’état permet d’établir une filiation lorsque des éléments objectifs montrent qu’une personne s’est comportée comme un parent à l’égard d’un enfant. Elle doit être :

  • Continue (exercée de manière stable dans le temps),
  • Paisible (non contestée),
  • Publique (connue de l’entourage).

Elle peut être judiciarisée si une reconnaissance de possession d’état est demandée devant le juge.

Cas particulier : la filiation du mari à l’égard de l’enfant né d’une autre femme

Lorsqu’un homme marié souhaite établir un lien de filiation avec un enfant issu d’une relation extraconjugale, il s’agit d’un enfant adultérin. Pendant longtemps, la filiation entre un enfant adultérin et un homme marié était impossible. Cependant, depuis 1975, cet enfant peut être reconnu par l’homme marié selon deux modes :

  1. La reconnaissance : le mari reconnaît volontairement l’enfant.
  2. La possession d’état : le mari peut prouver qu’il a élevé l’enfant et s’est comporté comme son père.

Dans ces deux cas, l’enfant peut obtenir un statut juridique équivalent à celui d’un enfant légitime.


Cela clôt la section sur l’établissement de la paternité et ses modes subsidiaires.


CHAPITRE 2 Les règles posées par l'ordonnance du 4 juillet 2005


Introduction

L'ordonnance du 4 juillet 2005 a réformé le droit de la filiation et est codifiée dans le Livre Premier, Titre VII du Code civil (articles 310 à 342-8). Ce titre traite de la filiation par procréation naturelle et se divise en quatre chapitres : dispositions générales, établissement non contentieux de la filiation, actions relatives à la filiation et action à fins de subsides.

I. Les dispositions générales

Ces règles concernent toutes les filiations issues d'une procréation naturelle et s'articulent autour de trois thèmes : la preuve de la filiation, les présomptions et les actions en justice.

II. La preuve du lien de filiation

Le lien de filiation ne se prouve pas librement, en raison de ses conséquences importantes (droits successoraux, autorité parentale, obligations alimentaires). Trois modes d'établissement existent :

  1. Le titre d'état civil : Il repose sur l'acte de naissance et l'acte de reconnaissance.
  • L'acte de naissance établit uniquement la filiation maternelle. Si la mère n'est pas mentionnée (ex. accouchement sous X), aucune filiation maternelle ne peut être déduite.
  • L'acte de reconnaissance permet à une personne de déclarer être le parent d'un enfant, sans obligation de preuve biologique.
  1. Les conditions de validité de la reconnaissance :
  • Conditions tenant à l'auteur : La reconnaissance peut être faite par la mère ou le père, doit être libre et sans vice du consentement, et ne requiert aucune autorisation préalable.
  • Conditions tenant à l'enfant : Tous les enfants peuvent être reconnus, sauf exceptions (inceste absolu, adoption plénière, PMA avec tiers donneur).
  1. Les conditions de forme : L'acte de reconnaissance est un acte solennel devant être passé devant un notaire, un juge ou un officier d'état civil.

III. Renforcement des contrôles (Loi du 10 septembre 2018)

Afin de lutter contre les reconnaissances frauduleuses, la loi impose désormais la présentation d'une pièce d'identité et d'un justificatif de domicile. Un officier d'état civil peut saisir le Procureur de la République en cas de doute, qui dispose alors de 15 jours pour statuer.

IV. Effets de la reconnaissance

La reconnaissance produit un effet déclaratif (effet rétroactif à la naissance), un effet probatoire (preuve de la filiation) et un effet irrévocable. Elle ne peut être remise en cause que par une action en contestation de filiation, sur justification d'une preuve contraire


B. L'acte de notoriété constatant la possession d'état

L'acte de notoriété est un document officiel délivré par un notaire qui constate la possession d'état entre un enfant et un adulte. La possession d'état est un ensemble d'éléments de fait qui démontrent qu'une personne a été traitée comme l'enfant d'un adulte, indépendamment d'un lien biologique. Cet acte peut ainsi servir de preuve unique pour établir un lien de filiation.

Conditions de délivrance de l'acte de notoriété

  1. Délai pour demander l'acte
  2. L'acte de notoriété doit être demandé dans un délai de cinq ans, qui commence à courir soit à compter de la cessation de la possession d'état, soit du décès du parent prétendu. Par exemple, si un adulte élève un enfant de 2022 à 2025, l'acte de notoriété pourra être demandé jusqu'en 2030, même si l'adulte n'a plus de contact avec l'enfant.
  3. Qui peut demander l'acte de notoriété ?
  4. L'acte peut être demandé par l'enfant ou par le parent prétendu. Si l'enfant est mineur, l'autre parent peut le représenter dans cette démarche.
  5. Comment prouver la possession d'état ?
  6. Selon l'article 317 du Code civil, le notaire doit entendre au moins trois témoins qui peuvent attester du lien parental entre l'adulte et l'enfant. Ces témoignages peuvent être complétés par des documents supplémentaires tels que des courriers, des photos, ou des documents administratifs. Le notaire a le pouvoir d'apprécier ces preuves et de décider s'il délivre ou non l'acte.

C. La décision de justice

Lorsque la filiation ne peut être établie par un titre d'état civil ou un acte de notoriété, un jugement peut être rendu pour reconnaître la filiation. Dans ce cas, le juge tranche la question de la filiation, et la décision a force de loi. La filiation est alors prouvée par la production d'une copie de la décision judiciaire.


II. Les présomptions relatives à la filiation

Les présomptions en matière de filiation permettent de déduire un fait inconnu (la filiation) à partir d'un fait connu (le comportement des parents, la conception de l'enfant). Elles sont cruciales pour établir la filiation dans des situations où la preuve directe fait défaut. Les présomptions se divisent en deux catégories : celles relatives à l'époque de la conception de l'enfant et celles reposant sur la possession d'état.

A. Les présomptions relatives à l'époque de la conception de l'enfant

La période de conception d'un enfant a des conséquences juridiques importantes. Par exemple, si la mère est mariée au moment de la conception, la présomption de paternité s'applique automatiquement. Le Code civil pose deux présomptions relatives à cette période :

  1. La présomption relative à la période légale de conception
  2. L'article 311 du Code civil prévoit que l'enfant est présumé avoir été conçu entre le 300e et le 180e jour précédant sa naissance. Cela repose sur des données scientifiques concernant la durée moyenne de la gestation. Un enfant né avant 180 jours de gestation serait considéré comme non viable, et un enfant né après 300 jours pourrait être considéré comme né d'une grossesse prolongée.
  3. La présomption relative au jour précis de la conception
  4. L'article 311-1 du Code civil précise que, au sein de cette période de 121 jours, la conception de l'enfant est présumée avoir eu lieu à n'importe quel jour. Cette présomption, dite "omni momento", permet à l'enfant de choisir le jour de la conception le plus favorable à ses droits, notamment en matière de succession.
  5. Exemple : Un enfant né le 31 décembre 2024 est présumé avoir été conçu entre le 6 mars et le 4 juillet 2024. Si son père est décédé le 1er juin 2024, l'enfant pourra choisir une date de conception avant cette date pour hériter.

B. La présomption reposant sur la possession d'état

La possession d'état repose sur le comportement d'un adulte envers un enfant, sans se baser sur la réalité biologique, mais sur une vérité sociologique. Elle consiste à établir que l'adulte a toujours agi comme le parent de l'enfant, indépendamment d'un lien biologique.

Arrêt du 23 novembre 2022 (Cour de cassation, 1re chambre civile)

La Cour de cassation a rappelé que la possession d'état repose sur une réalité affective, matérielle et sociale, et non biologique.

  1. Les éléments constitutifs de la possession d'état
  2. Pour être reconnue, la possession d'état doit remplir trois conditions :
  • Continue : L'adulte doit se comporter comme le parent de l'enfant de manière constante.
  • Paisible : Elle ne doit pas être contestée par d'autres.
  • Publique : Le lien parental doit être reconnu par l'entourage (famille, amis, administration).
  1. La preuve de la possession d'état
  2. La possession d'état peut être prouvée par des témoignages (au moins trois témoins) et d'autres documents comme des photos de famille, des courriers, ou des décisions de justice antérieures. Le notaire ou le juge apprécie librement ces éléments.

Les éléments constitutifs : Tractatus, Fama, et Nomen

La possession d'état repose sur trois éléments essentiels :

  • Le Tractatus (traitement) : L'adulte doit traiter l'enfant comme son propre enfant, et l'enfant doit reconnaître l'adulte comme son parent.
  • La Fama (réputation publique) : L'entourage, famille, amis, et l'administration doivent reconnaître l'adulte comme le parent.
  • Le Nomen (nom) : Traditionnellement, l'enfant porte le nom du parent prétendu, mais depuis la réforme de 2002, le nom n'est plus aussi déterminant pour établir la possession d'état.

Conséquence : Même si l'enfant ne porte pas le nom du parent prétendu, la possession d'état peut être reconnue si les autres éléments sont rempli


2. Observations sur ces éléments constitutifs

📌 a) Les juges peuvent exiger d’autres éléments de preuve

L’article 311-1 du Code civil précise que les éléments tractatus, fama et nomen sont "notamment" ceux qui permettent d’établir la possession d’état.

Cela signifie que :

  • Le juge peut prendre en compte d’autres indices (témoignages, documents officiels, actes de la vie quotidienne…).
  • La liste des éléments constitutifs n’est pas limitative.

📌 b) Les trois éléments ne sont pas toujours cumulativement exigés

  • Un lien de filiation peut être reconnu même si l’un des trois éléments manque.
  • Cependant, le tractatus est indispensable : sans preuve d’un traitement parental réciproqueaucune possession d’état ne peut être reconnue.

2. Les caractères de la possession d’état

La possession d’état n'a de valeur juridique que si elle présente plusieurs caractéristiques définies par la loi. L’article 311-2 du Code civil en impose quatre, et la jurisprudence en a ajouté un cinquième.

A. Les caractères exigés par la loi

L’article 311-2 du Code civil impose quatre caractères cumulatifs pour établir la possession d’état. Si l’un de ces caractères fait défaut, la filiation ne peut être reconnue.

  1. Une possession d’état continue
  2. La continuité n’implique pas une relation constante, mais elle doit être régulière sur une période suffisamment longue. Par exemple, un homme s’occupant d’un enfant uniquement les week-ends peut démontrer une possession d’état continue. La relation ne doit pas être épisodique mais maintenue sur plusieurs années. La jurisprudence varie quant à la durée minimale requise, certains juges parlant de six mois, d'autres d'un ou deux ans. La Cour de cassation précise trois éléments essentiels :
  • La possession d’état peut être prénatale.
  • Elle n’est pas exigée dès la naissance.
  • Elle n’a pas besoin d’être actuelle au moment où elle est invoquée.
  1. Une possession d’état paisible
  2. La possession d’état doit être exercée sans contrainte, pression ou violence. Par exemple, si un parent force l’autre à agir comme s’il était le parent de l’enfant, cela ne constitue pas une possession d’état paisible.
  3. Une possession d’état publique
  4. La possession d’état doit être visible aux yeux de tous. Elle doit être reconnue par l'entourage et l’administration. Toute tentative de dissimulation de cette possession d’état n’aura pas d’effet juridique.
  5. Une possession d’état non équivoque
  6. La possession d’état ne doit pas prêter à confusion. Il ne doit pas exister de doutes sur le lien entre le parent prétendu et l’enfant. Des situations ambiguës peuvent naître dans deux cas :
  • La possession d’état successive : un enfant est successivement traité comme l’enfant de différentes personnes.
  • La possession d’état concurrente : plusieurs personnes prétendent simultanément être les parents de l’enfant.

B. Le caractère consacré par la jurisprudence

Depuis un arrêt du 6 avril 2011, la Cour de cassation a introduit un cinquième critère pour la reconnaissance de la possession d’état : celle-ci ne doit pas contrevenir à l'ordre public français.

Un exemple typique concerne la gestation pour autrui (GPA), qui est interdite en France. Ainsi, une mère porteuse qui porte un enfant pour un couple d’intention ne permet pas à ce couple d’établir un lien juridique avec l’enfant via la possession d’état.

3. La preuve de la possession d’état

Une fois que la possession d’état est constituée, il faut la prouver. Avant l'ordonnance de 2005, la possession d’état pouvait être démontrée par tout moyen. Depuis, elle ne peut être prouvée que par un acte de notoriété ou une décision judiciaire dans le cadre d’une action en constatation de possession d’état.

A. La preuve non contentieuse : l’acte de notoriété

L’acte de notoriété est un document rédigé par un notaire pour constater la possession d’état. Trois témoins doivent être entendus et leurs déclarations doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve.

Cet acte peut être demandé par le prétendu parent ou l’enfant (directement ou par l’intermédiaire de son représentant légal). En revanche, d’autres personnes, comme les grands-parents ou les descendants de l’enfant, ne peuvent pas faire cette demande.

Le délai pour solliciter un acte de notoriété est de cinq ans à compter de la cessation de la possession d’état ou du décès du parent prétendu.

Deux issues sont possibles :

  1. Le notaire accepte : un acte est rédigé et mentionné en marge de l’acte de naissance de l’enfant, établissant ainsi la filiation.
  2. Le notaire refuse : soit pour des raisons procédurales (délai dépassé, qualité du demandeur), soit pour des raisons de fond (témoignages insuffisants). Dans ce cas, il existe une autre voie de preuve, la voie contentieuse.

B. La preuve contentieuse : l’action en constatation de la possession d’état

Si la possession d’état ne peut être prouvée par un acte de notoriété, il est possible de saisir le tribunal judiciaire par une action en constatation de possession d’état. Cette action permet de faire constater par un jugement l’existence d’un lien de filiation fondé sur la possession d’état.

  1. Les conditions d’exercice de l’action en constatation
  2. Pour qu’une action en constatation de possession d’état aboutisse, trois conditions doivent être réunies :
  • Absence d’acte de notoriété : Si un acte de notoriété a déjà été délivré, l’action devient inutile, car la possession d’état a déjà été reconnue. Toutefois, il n’est pas obligatoire de tenter d’obtenir un acte de notoriété avant de saisir le tribunal.
  • Absence d’un lien de filiation légalement établi : Si l’enfant a déjà un lien de filiation reconnu, une nouvelle filiation ne peut être établie sans contester le lien existant.
  • Preuve de la possession d’état : Le demandeur doit prouver la possession d’état. Avant 2011, l’expertise génétique était exclue pour prouver la possession d’état. Cependant, depuis un arrêt du 16 juin 2011, la possession d’état peut désormais être prouvée par tout moyen, à l’exception d’une expertise génétique. L’action repose ainsi sur l’analyse des comportements entre le prétendu parent et l’enfant.
  1. Le régime de l’action en constatation
  2. Cette action relève du droit procédural et soulève plusieurs questions :
  • Qui peut agir ? Tout individu ayant un intérêt légitime peut intenter l’action, y compris le prétendu parent, l’enfant, ou toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime, tel qu’un membre de la famille.
  • Le délai de prescription : L’action en constatation de possession d’état se prescrit par dix ans (article 330 du Code civil). Ce délai commence à courir à partir de la cessation de la possession d’état ou du décès du parent prétendu.
  1. Les effets de l’action en constatation
  2. Si le tribunal reconnaît la possession d’état, il rend un jugement constatant l’existence d’un lien de filiation. Les conséquences sont les suivantes :
  • Établissement du lien de filiation : Le jugement entraîne l’inscription de la filiation sur l’acte de naissance de l’enfant. Le parent ainsi reconnu acquiert les droits et obligations liés à ce statut.
  • Conséquences sur l’autorité parentale : Si l’enfant est mineur, le tribunal peut statuer sur l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à son entretien et son éducation.
  • Attribution du nom : Le tribunal peut décider que l’enfant portera le nom du parent reconnu.

En résumé, l’action en constatation de possession d’état permet d’officialiser juridiquement un lien de filiation fondé sur une relation de fait, en l’absence de titre juridique initial.


III. Les actions relatives à la filiation

Les actions en matière de filiation obéissent à plusieurs principes fondamentaux.

A. Les caractères des actions relatives à la filiation

  1. Un caractère indisponible : Les actions en filiation ne sont pas librement négociables. Les parties ne peuvent pas renoncer à leur droit d’agir en justice pour établir ou contester un lien de filiation.
  2. Un caractère personnel : Seules les personnes directement concernées (l’enfant, les parents ou leurs représentants légaux) peuvent agir en justice.
  3. Un caractère intransmissible : L’action en filiation ne peut pas être poursuivie par les héritiers, sauf si la procédure a été engagée de son vivant.
  4. Un caractère prescriptible : Les actions en filiation doivent être exercées dans un délai spécifique, sous peine de forclusion. Ce délai varie selon le type d’action (contestation ou établissement de filiation).

Section 2 : Les dispositions particulières

Sous-section 1 : Les dispositions particulières relatives à l’établissement de la filiation

I. L’établissement extrajudiciaire de la filiation

L’établissement extrajudiciaire de la filiation permet de créer un lien juridique entre un enfant et ses parents sans recourir à une décision judiciaire. Ces mécanismes concernent aussi bien la maternité que la paternité.

A. L’établissement extrajudiciaire de la maternité

L’établissement de la maternité repose sur un mode principal et une exception (tempérament).

  1. Le mode principal En droit français, la maternité est automatiquement établie par l’accouchement, à condition que le nom de la mère figure dans l’acte de naissance de l’enfant. Cette règle repose sur le principe mater certa est (la mère est toujours certaine).
  • Application de la règle à toutes les femmes
  • Selon l’article 325 du Code civil, la mère d’un enfant est celle qui accouche. Il n’est pas nécessaire pour une femme de faire une démarche spécifique pour établir la maternité. Le nom de la mère dans l’acte de naissance suffit. Avant la réforme de 2005, seule la mère mariée bénéficiait de cette reconnaissance automatique. Désormais, toutes les femmes, qu'elles soient mariées ou non, sont reconnues comme mères de l’enfant.
  1. Le tempérament Une exception existe : l'accouchement sous X. L’article 326 du Code civil permet à une femme d’accoucher anonymement et de refuser que son identité soit révélée. Dans ce cas, l’enfant n’a pas de filiation maternelle établie et sera pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance pour une adoption.

b. Inapplication de la règle aux hommes

Contrairement à la maternité, la paternité n’est pas automatiquement établie par l’inscription du nom du père dans l’acte de naissance.

  • La règle
  • Un homme n’est pas juridiquement père simplement parce que son nom est inscrit sur l’acte de naissance. La filiation paternelle peut être établie par la présomption de paternité (si l’homme est marié à la mère) ou par reconnaissance volontaire.
  • Le tempérament
  • Le seul cas où la paternité est automatiquement établie concerne la présomption de paternité (article 312 du Code civil), lorsque la mère est mariée et accouche. Si le nom du mari est mentionné dans l’acte de naissance, il est automatiquement considéré comme le père de l’enfant, sauf en cas de contestation.

2. Les modes subsidiaires

A. La reconnaissance

La reconnaissance est un mode subsidiaire d’établissement de la filiation qui ne peut être utilisé que si le mode principal d’établissement de la filiation ne fonctionne pas. Autrement dit, avant qu’une mère ou un père puisse recourir à la reconnaissance, il faut d’abord s’assurer que le mode principal d’établissement de la filiation n’est pas applicable. De plus, il n’existe aucune hiérarchie entre la reconnaissance et la possession d’état : le parent a le choix d’utiliser l’un ou l’autre de ces modes pour établir la filiation.

Ces modes ne sont pas automatiques et nécessitent des démarches spécifiques, comme une déclaration devant l’officier d’état civil.

Cas d’application de la reconnaissance

Bien que rare, la reconnaissance peut être nécessaire dans plusieurs situations :

  1. Accouchement sous X : Si une femme accouche sous X et décide après quelques semaines de reconnaître son enfant, elle ne pourra plus établir sa filiation par l’effet de la loi. La seule solution restante sera la reconnaissance.
  2. Annulation de la filiation maternelle : Si la filiation établie par l’accouchement est annulée par le juge, la mère devra procéder à une reconnaissance pour rétablir son lien de filiation.
  3. Absence d’acte de naissance : Dans certains cas, aucun acte de naissance n’a été établi. Dans cette situation, la reconnaissance est la seule solution pour établir la filiation.

B. La possession d’état

La possession d’état est un mode subsidiaire d’établissement de la filiation qui repose sur des faits : il s’agit de prouver que la personne s’est comportée comme le parent de l’enfant de manière continue et publique. Ce mode est utilisé en l’absence d’un acte de naissance ou lorsqu’aucune filiation légale n’a été établie.

L’établissement extrajudiciaire de la paternité

1. L’établissement extrajudiciaire de la paternité de l’homme marié

a. La paternité à l’égard de l’enfant dont l’épouse a accouché

L’établissement extrajudiciaire de la paternité d’un homme marié repose sur un mode principal : la présomption de paternité.

1°. Le domaine de la présomption de paternité

L’article 312 du Code civil dispose que :

« L'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari. »

Cela signifie que la présomption de paternité s’applique automatiquement à tous les enfants :

  • Conçus en mariage : La date de conception est prise en compte, et la présomption s’applique aux enfants conçus entre le 180e jour après la célébration du mariage et le 300e jour après la dissolution du mariage.
  • Nés en mariage : Dès lors que l’enfant naît pendant le mariage, peu importe la date de conception, il est couvert par la présomption de paternité.

Ainsi, même après un divorce, si un enfant naît dans les 300 jours suivant la dissolution du mariage, il sera automatiquement rattaché à l’ex-mari.

2°. Les exclusions de la présomption de paternité

La présomption de paternité ne s’applique pas dans deux cas prévus par l’article 313 du Code civil :

  • I. Le nom du mari n’est pas indiqué dans l’acte de naissance de l’enfant
  • Si la mère décide de ne pas mentionner son mari dans l’acte de naissance de l’enfant, la présomption de paternité est automatiquement écartée.
  • II. L’enfant a été conçu pendant une séparation judiciaire des époux
  • Si les époux sont séparés judiciairement et qu’un divorce est en cours, l’enfant conçu pendant cette période ne bénéficiera pas de la présomption de paternité.

3. Le rétablissement de la présomption de paternité

Grand II - Le rétablissement judiciaire lorsque la présomption de paternité est exclue (article 313 du Code civil)

Lorsque la présomption de paternité est écartée en application de l'article 313 du Code civil, il est possible de la rétablir par voie judiciaire. Pour cela, une action spécifique existe : l'action en rétablissement des effets de la présomption de paternité.

Le mari peut saisir le juge afin de prouver qu’il est bien le père biologique de l’enfant. Si cette preuve est apportée, le juge rétablit la présomption de paternité, et le mari est juridiquement reconnu comme père de l’enfant. Cette action, introduite par la loi de 2004, est rarement exercée car elle est longue et coûteuse. En pratique, un mari a davantage intérêt à reconnaître directement l’enfant, ce qui constitue une démarche plus simple et plus rapide.

L’action en rétablissement de la présomption de paternité peut être intentée non seulement par le mari, mais aussi par la femme mariée et l’enfant lui-même. Elle est utile surtout dans les cas où la paternité n’a pas été établie et qu’une personne souhaite la faire reconnaître après coup.

Exemple : une femme mariée accouche d’un enfant mais ne lui attribue pas le nom de son mari, excluant ainsi la présomption de paternité. Si son mari ne reconnaît pas l’enfant et ne se comporte pas comme son père, la filiation n’est pas établie. Dans ce cas, l’action peut être utile pour :

  • La femme, qui réalise après coup qu’elle aurait dû établir la filiation en faveur de son mari.
  • L’enfant majeur, qui souhaite faire reconnaître la paternité de son père présumé.

Les modes subsidiaires d’établissement de la paternité

Lorsque la présomption de paternité ne joue pas, il existe deux autres modes d’établissement de la filiation :

  1. La reconnaissance.
  2. La possession d’état.

Ces modes sont subsidiaires, c’est-à-dire qu’ils ne s’appliquent que si la présomption de paternité ne peut pas fonctionner. Il n’existe pas de hiérarchie entre eux : le mari peut choisir l’un ou l’autre. Toutefois, ils nécessitent une démarche volontaire de sa part.

1° La reconnaissance

La reconnaissance est soumise aux règles générales du droit commun. Toutes les conditions de fond et de forme doivent être respectées pour qu’elle soit valable. Avant la réforme de 2004, un mari ne pouvait jamais reconnaître un enfant né de sa femme. Cette interdiction a été levée, facilitant l’établissement de la filiation.

2° La possession d’état

La possession d’état permet d’établir une filiation lorsque des éléments objectifs montrent qu’une personne s’est comportée comme un parent à l’égard d’un enfant. Elle doit être :

  • Continue (exercée de manière stable dans le temps),
  • Paisible (non contestée),
  • Publique (connue de l’entourage).

Elle peut être judiciarisée si une reconnaissance de possession d’état est demandée devant le juge.

Cas particulier : la filiation du mari à l’égard de l’enfant né d’une autre femme

Lorsqu’un homme marié souhaite établir un lien de filiation avec un enfant issu d’une relation extraconjugale, il s’agit d’un enfant adultérin. Pendant longtemps, la filiation entre un enfant adultérin et un homme marié était impossible. Cependant, depuis 1975, cet enfant peut être reconnu par l’homme marié selon deux modes :

  1. La reconnaissance : le mari reconnaît volontairement l’enfant.
  2. La possession d’état : le mari peut prouver qu’il a élevé l’enfant et s’est comporté comme son père.

Dans ces deux cas, l’enfant peut obtenir un statut juridique équivalent à celui d’un enfant légitime.


Cela clôt la section sur l’établissement de la paternité et ses modes subsidiaires.

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