1. Introduction à Érétrie
- Localisation : Cité antique grecque située sur l'île d'Eubée, dans le golfe longeant le continent grec, avec une orientation vers l’Attique (Athènes) et la Béotie.
- Territoire : Appelé l'Érétriade, il comprend des subdivisions appelées chôrai (territoires) et dèmes (districts civiques).
- Superficie : L'asty (centre urbain) couvre environ 82 hectares ; l'astè + chôra ensemble font 1300 km² vers 400 av. J.-C.
- Population : Environ 20,000 à 30,000 individus au IVe siècle av. J.-C., dont 6,000 à 10,000 citoyens adultes masculins (porteurs d’armes). Indices de population fournis par le théâtre (4,000 à 6,000 places) et les inscriptions sur les stèles de recensement.
- Géographie : L’acropole domine la ville avec ses 123 m, servant à la fois de lieu stratégique et de point de repère.
2. Sources de connaissance sur Érétrie
- Sources littéraires :
- Homère (Iliade) mentionne Érétrie parmi les cités grecques.
- Hérodote (Histoires) décrit les guerres médiques et les actions d'Érétrie contre les Perses.
- Thucydide (Guerre du Péloponnèse) aborde les conflits inter-cités.
- Strabon (Géographie) : offre une description des régions d’Érétrie.
- Diogène Laërce (Vies des philosophes illustres) parle de Ménédème, un philosophe d’Érétrie.
- Sources épigraphiques : Inscriptions variées (épitaphes, décrets) et stèles recensant les citoyens.
- Sources archéologiques : Vestiges préservés grâce à la faible réoccupation des lieux après l’Antiquité, ce qui a permis de conserver les vestiges de la ville antique. Cependant durant le 19ème siècle, une ville moderne est venue s'implanter en partie sur le site antique (Grecs réfugiés de l'occupation turque).
3. Histoire de l’exploration et des fouilles
- Explorations initiales :
- 5 avril 1436 : Cyriaque d'Ancone, marchand et érudit italien, signale les ruines antiques d'Érétrie, dessinant et mesurant certains bâtiments, il recopie des inscriptions, qui aujourd’hui sont perdus.
- Fouilles majeures :
- 1855 : Première fouille. (Quelques années après l'établissement de la nouvelle ville en 1834) Christos Tsountas, un archéologue grec, mène les premières fouilles officielles sur la nécropole ouest, zone la plus touchée par le pillage et la dégradation.
- 1891-1895 : L'école américaine explore le théâtre, le temple de Dionysos, et le gymnase nord.
- Fin 19ème: L'école Allemande est sur site pour une mission photographique.
- 1899 : Konstantinos Kourouniotis se concentre sur le temple d’Apollon et la muraille occidentale, porte Ouest, palestre Sud et bains du port.
- 1915: Nikolaos Pappadakis fouille le sanctuaire d'Isis et des divinités Egyptiennes.
- Dès 1964 : L’École suisse d’archéologie en Grèce mène les recherches actuelles, publiant leurs résultats dans la Collection Eretria.
4. Chronologie de l’histoire d’Érétrie
- Âge du Bronze (IIIe millénaire av. J.-C.) : Première occupation humaine avec une séparation entre les établissements de la plaine tournée vers la mer (commerce) et de l’acropole (surveillance stratégique).
- Au vue de l'insalubrité des lieux, l'on suppose qu'ils sont allés s'installer ailleurs.
- Époque géométrique (VIIIe siècle av. J.-C.) :
- Réhabitation de la cité avec un retour de population, au détriment de villages voisins qui voient leur population baisser.
- Premières cabanes de chefs (au 8ème siècle av.JC) et habitations, niveau de vie élevé (objets de valeur, bronze, etc.).
- Introduction de l’usage de l’alphabet grec emprunté aux Phéniciens. Donc apparition de l'écriture: caractéristique de la période.
- Début de l’expansion maritime : fondation de colonies en Italie du Sud, Sicile, mer Égée et Proche-Orient.
- Exemple: coupe de Nestor datée de 725-700 av JC trouvée dans une tombe à Pithécusses, une colonie Erétrienne.
- Époque archaïque (VIIe - VIe siècles av. J.-C.) :
- Prosperité commerciale et forte implication dans les circuits maritimes de Méditerranée.
- Guerre Lélantine contre Chalcis (rivalité pour une plaine fertile), qui s’achève par une défaite d’Érétrie.
- Urbanisation : création d’un réseau de canaux afin de détrouner un cours d'eau qui rendait la ville insalubre et première muraille autour de l’acropole vers 550 av. J.-C.
- Temple d’Apollon : Édifié vers 530 av. J.-C., de forme quadrangulaire et luxueusement décoré avec des scènes mythologiques (Thésée et Antiope).
- Époque classique (Ve - IVe siècles av. J.-C.) :
- Guerres médiques : soutien aux révoltés ioniens en envoyant dix navires (499 av. J.-C.), puis prise d’Érétrie par les Perses en 490 av. J.-C.
- Vestiges de sanctuaires endommagés attestent des destructions perses. Ces dégâts ont été causés en représailles des dommages et pillages grecs et érétriens lors de l'intervention en Ionie.
- Seconde guerre médique (480-479 av. J.-C.) : Participation à la bataille navale d’Artémision qui est une défaite. Bataille de Salamine qu'ils gagnent et en 479 av JC, victoire décisive terrestre lors de la bataille de Platées.
- Ligue de Délos : Fondée en 478 avec Athènes à sa tête. Dont l'objectif est de se protéger des Perses. Versement d'un tribu obligatoire par les membres, argent détourné par Athènes. En 457 av JC (au plus tard) Oropos (situé en face d'Erétrie) passe aux mains athéniennes, ce qui pousse le soulèvement des Erétriens.
- 446: Premier soulèvement des citées Eubéennes, réprimée par Périclès.
- 424: deuxième soulèvement.
- 441: Troisième soulèvement: Libération d'Oropos, chute de la démocratie athénienne, les spartiates libère Erétrie.
- Guerre du Péloponnèse : Participation aux côtés de Sparte contre Athènes (405 av. J.-C.).
- Au début du 4ème siècle, Erétrie fait un traité avec Athènes pour se protéger de Spartes qui a elle aussi réveillée ses appétits impérieux.
- 377: formation de la seconde confédération athénienne.
- 371: Athènes récupère Oropos. Erétrie s’allie à Thèbes (citée de Béotie) qui rejette aussi la ligue athénienne. Constitution d’une confédération (ou ligue) eubéenne.
- Le siècle de Ménédème: 322/267: Période de prospérité.
- Période de domination macédonienne (IVe siècle av. J.-C.) :
- 272: Antigone Gonatas impose la puissance Macédonienne aux Grecs. Ce qui débouche sur une guerre.
- Guerre de Chrémonidès (268-261): Les cités grecques se coalisent, Erétrie est dans le camp des cités grecques coalisées.
- Printemps 267 av. J.-C. : Siège et prise de la ville par Antigone Gonatas, instaurant une garnison et un régime oligarchique sous influence macédonienne. Destruction de bâtiments publiques érétrie ne peut donc plus participer à la guerre.
- 251-245 av JC: Révolte d'Alexandre, fils de Cratère: gouverneur de l'île d'Eubée et neveu d'Antigone, il se soulève contre son oncle et se proclame roi. Il reste peu de temps au pouvoir, Antigone le reprend et les eubéens reste sous domination macédonienne.
- Époque romaine :
- 198: "libération" d'Erétrie par les romains qui luttent contre Philippe V de Macédoine.
- 196: Proclamation de paix et de bonne volonté de Titus Quinctius Flamminus lors des isthmia.
- Intégration dans la province d’Achaïe (Guerre d'Achaïe : confédération achéenne+ Béotie contre Rome en 146 av. J.-C.) : Erétrie qui s'était placée avec Rome reçoit Oropos en récompense. Apporte prospérité à la cité donc stabilisation et développements (thermes, gymnase, etc.)
- 88/85 av JC: Guerre contre Mithridate VI Eupator (roi du Pont): toutes les cités grecques mécontentes des romains se liguent contre eux, Erétrie se joint à elles mais elles perdent, Erétrie perd à nouveau Oropos.
- 86: destruction de la cité par Sylla en représaille.
- 27 av JC: Erétrie entre dans la province d'Achaïe.
- A l'époque d'Auguste:
- Développement d'un quartier artisanal près de la maison aux mosaïques, construction du Sebastéion, nouveau temple (celui du culte impérial), Restauration du gymnase et du théâtre signes qu'il y a formes de richesses.
- Puis après cela Erétrie est devenue plutôt modeste, toute la cité se rétracte à l'intérieur des murs, y compris les tombes.
- 211/217: on a trouvé une base de statue de Caracalla, preuve que la vénération des empereurs continue. La cité aménage même des thermes à la romaine (IIème/IIIème ap JC).
- Centre de gravité de la région se déplace à Porthmos (Alivéri) qui a un port plus grand que celui d'Erétrie. C'est là qu'on trouve l'Edit des prix de Dioclétien (300 ap JC environ).
- Déclin au IIIe siècle ap. J.-C. : Séismes en 365 et 511 ap. J.-C. causent l’abandon de la cité, laissant un site préservé pour les archéologues. Mais des habitants résistent, on trouvent des tombes qui datent du 6ème siècle ap. JC. C'est le dernier séisme qui provoquera l'abandon total du site.
5. Politique et institutions d’Érétrie
- Évolution politique :
- Initialement gouvernée par les Hippeis, aristocrates propriétaires et éleveurs de chevaux. C'est une élite financière mais aussi militaire car les chevaux étaient important dans les batailles à cette période. Système qui tient en place relativement longtemps (Vème siècle av.JC)
- Passage progressif à la démocratie, secouée par des périodes de tyrannie et d’oligarchie. C'est aussi à ce moment là qu'Athènes bascule vers la démocratie (508 av JC). Démocratie va dès lors être considérée comme le régime "normal". Mais va être secouée à plusieurs reprises.
- 411: oligarchie pendant quelques mois.
- 366-341: succession de tyrans (Ploutarchos et Kleitarchos).
- Début du IIIème siècle av JC: sous Démétrios Poliorcète entre 294 et 287: oligarchie.
- Organes de gouvernement :
- Assemblée du peuple : Institution démocratique suprême.
- Les seuls magistrats qui peuvent faire des propositions à l'assemblée sont les stratèges et les probouloi (les stratèges ne peuvent pas présenter de propositions sans l'appui des probouloi).
- Boulè : Conseil de 300 bouleutes (50 par tribu) ; présidée par des prytanes (épimèneuontes) renouvelés mensuellement.
- Double rotation annuelle des six tribus.
- Magistrats principaux :
- Stratèges : Au nombre de 6. Officiers militaires, responsables des subdivisions civiques.
- Probouloi : Au nombre de 6 (dont l'archonte éponyme). Administrateurs, proposent et dirigent les affaires extérieures.
- Assemblée du peuple: corps civique le plus important, vote pour les magistrats.
- Alliances (Ligues) :
- Ligue eubéenne (Koinons ) : Alliance régionale avec Chalcis, Carystos, et Histiée-Oréos.
- Quatre périodes du Koinon :
- 1- Vers 370-357: mainmise des Athéniens sur l'Eubée, dissoute à cause des athéniens.
- 2- avant 348-? : A pu être établie suite à la numismatique.
- 3- Vers 300-? : formée sans doute à l'instigation de Démétrios Poliorcète et existait probablement encore sous Antigone Gonatas.
- 194-191: (Intervention d'Antiochos III à Chalcis) formé à l'insitgation de Titus Quinctius Flamminius, reformée vers 190 et dure jusqu'en 175 av JC.
6. Organisation du territoire d’Érétrie
- Chôrai et dèmes : Division en 5 districts principaux et environ 60 dèmes.
- Subdivisions civiques : Structure permettant l’administration, la collecte des impôts et la gestion militaire.
- Appartenance héréditaire : Les citoyens restent liés à leur dème d’origine même après un déménagement.
- Listes de citoyens : Inscriptions recensant les membres de chaque dème, essentielles pour connaître la démographie de la cité.
- 6 tribus en tout. (principe de la tribu: qu'il y ait à peu près le même nombre de personnes dans chaque tribu afin d'éviter un déséquilibre démocratique.)
- L'appartenance à une subdivision civique est héréditaire, même si l'on déménage, on reste considéré comme appartenant à son Dème d'origine.
7. Vie religieuse d’Érétrie
Les grecs vénèrent tout autant les Dieux que les héros. Les cités ont besoin de leur panthéon pour leur protection et aider aux besoins des individus de la cité dans leur quotidien. Les panthéons s'expandent on ajoute des divinités selon les besoins comme résoudre des situations de crise. On intègre aussi des divinités venues de l'étranger.
Les pratiques religieuses à l'échelle de la cité sont des facteurs d'intégration et de communion entre citoyens. Rassemblement au niveau social.
- Panthéon civique :
Il y a toujours une divinité qui ressort du reste du panthéon, C'est la divinité principale: Poliade. Dans le cas d'Erétrie il y en a deux:
- Apollon Daphnéphoros. Notamment dans le centre-ville.
- Artémis Amarysia : Déité protectrice du territoire, adorée à Amarynthos.
- Sanctuaires principaux :
- Sanctuaire d’Artémis Amarysia : Lieu de rassemblement religieux, incluant des habitants d’autres cités eubéennes comme Carystos.
- Intégration de divinités étrangères : Isis (divinité égyptienne) et Asclépios (dieu guérisseur). Preuve de l'évolution constante de ces panthéons.
- Fêtes religieuses :
- La vie religieuse est présente partout, et à tous les niveaux, elle détermine les calendriers, et la vie civique est rythmée par celles-ci.
- Artémisia : Fête en l’honneur d’Artémis avec sacrifices de bovins.
- Thesmophories : Fête féminine interdisant la participation des hommes.
- Dionysies : (Dionysos) Célébrations théâtrales, avec concours dramatiques.
- Fête de l'apatourie: fête des frateries (des gens faisant parti d'une même famille par le sang) qui aurait pu avoir jouer un rôle important dans la cité.
8. Économie et commerce d’Érétrie
- Monnaie érétrienne :
- Tétradrachme : (Une drachme = environ 4g d'argent) Revers à motif de poulpe (symbolisant l’importance maritime) et avers avec bovin (symbole de richesse agricole) (entre 525 et 500 av JC). L'avers sera remplacé par un portrait de divinité.
- Elle poursuit ce monnayage jusqu'au 5ème siècle puis elle reprend la frappe.
- Émission monétaire : Frappe d’une monnaie commune pour la ligue eubéenne vers 360 av. J.-C., c'est le Didrachme. Puis de nouveau sous domination romaine avec Artémis au droit.
- Erétrie frappe de nouveau sa monnaie au 2ème siècle av JC (tétradrachme avec au droit une tête féminine de profil : Artémis; et au revers, un bovin représenté comme sacrifice pour la divinité) La légende monétaire: "érétriens".