Définition générale
La complicité désigne la participation accessoire à une infraction réalisée par une autre personne, l'auteur principal. Le complice est celui qui, sans accomplir les éléments constitutifs de l'infraction, contribue volontairement à sa commission.
Théorie de la complicité
- Emprunt de criminalité : Le complice « emprunte » la criminalité de l'auteur principal. La complicité suppose donc un fait principal punissable auquel le complice s'associe.
- Distinction auteur/complice : Cruciale depuis l'exigence de motivation des décisions judiciaires. Le complice est puni comme l'auteur (Article 121-7 du Code pénal), mais sa qualification reste distincte.
Paragraphe 1 : Conditions de la complicité
I. Condition relative au fait principal punissable
Le fait principal punissable est indispensable pour retenir la complicité.
- Nature de l'infraction
- Crimes et délits :
- Tous les modes de complicité sont envisageables.
- Le crime ou le délit doit être constitué dans ses éléments (matériel et intentionnel).
- Exemple : Transport de stupéfiants → Sans connaissance du contenu de la cargaison (absence d'intention), la complicité ne peut être retenue (arrêt 2003).
- La complicité est admise même pour des infractions non intentionnelles (e.g., homicide involontaire).
- Exemple : CA Angers, 3 octobre 2006 → Un barman qui sert un client ivre peut être complice d'homicide involontaire ou de conduite en état d'ivresse.
- La complicité d'une tentative est possible si la tentative est punissable.
- Exemple : Ch. crim., 25 octobre 1962, Schieb et Benamar.
- Contraventions :
- La complicité par aide ou assistance (Article 121-7 alinéa 1) n'est pas admise.
- Exception : L'existence d'infractions autonomes permet la complicité.
- Exemple : Article R624-2 du Code pénal concernant la diffusion de messages contraires à la décence.
- Caractère objectivement punissable
- Exclusion : Si l'acte principal est couvert par une cause objective d'irresponsabilité (e.g., légitime défense), le complice n'est pas responsable.
- Admission : Une cause subjective d'irresponsabilité (e.g., minorité de l'auteur principal) n'empêche pas la complicité.
II. Conditions relatives au fait de complicité
- Conditions communes : Élément matériel
- Acte antérieur : L'acte doit précéder ou être concomitant à la consommation de l'infraction.
- Acte positif : Une action concrète facilitant l'infraction (e.g., fournir un moyen). Toutefois, certaines omissions peuvent être assimilées à un acte positif dans des fonctions spécifiques (e.g., policiers, commissaires aux comptes).
- Exemple : Crim., 29 janvier 2020, 19-82.942 (non-signalement d'irrégularités).
- L'aide morale par omission peut constituer une complicité (Ch. crim., 26 février 2020).
- Acte causal : L'acte doit avoir contribué à la réalisation de l'infraction (e.g., prêt d'une arme même si un autre moyen est utilisé).
- Modes de complicité
- Complicité par aide ou assistance (Article 121-7 al. 1) :
- Fourniture de moyens, encouragement concret.
- Une omission peut parfois être considérée comme un acte de complicité.
- L'acte peut être antérieur ou postérieur si un accord préalable existe (Ch. crim., 21 juin 1978).
- Complicité par instigation (Article 121-7 al. 2) :
- Provocation : Par don, menace, promesse, etc. L’acte de provocation doit être suivi d’un fait principal punissable.
- Exemple : Article 221-5-1 du Code pénal sur le mandat criminel.
- Fourniture d’instructions : Transmission d’informations précises facilitant l’infraction (e.g., fournir des plans d’une banque). Aucun résultat n’est requis pour établir la complicité.
Paragraphe 3 : Élément moral de la complicité
A. Caractère intentionnel
- Conditions :
- Conscience de participer à une infraction.
- Volonté de contribuer à la commission de l'infraction.
- Assouplissements :
- Faute de fonction : Responsabilisation accrue des professionnels dans des fonctions spécifiques (e.g., commissaires aux comptes).
- Exemple : Crim., 31 janvier 2007, 05-85.886.
- Crimes contre l’humanité : Assouplissements spécifiques pour faciliter l’incrimination.
- Exemple : Crim., 7 septembre 2021, 19-87.367 → Une société accusée de complicité pour financement de terrorisme et crimes contre l’humanité.
Points essentiels à retenir
- La complicité repose sur un fait principal punissable, un élément matériel (acte positif, causal), et un élément moral (intentionnalité).
- Différences majeures entre complicité par aide/assistance et par instigation.
- Certaines fonctions professionnelles sont soumises à des obligations spécifiques qui peuvent entraîner leur complicité.
- Jurisprudence clé à maîtriser pour chaque aspect de la complicité.