La constitution au sens matériel se distingue de la constitution formelle par sa nature et sa portée. Elle englobe les règles fondamentales qui organisent la structure de l'État et déterminent les relations entre les pouvoirs publics ainsi que les droits des citoyens. Ces règles peuvent être édictées par un texte formel, mais peuvent aussi résulter de pratiques ou de conventions constitutionnelles. La constitution matérielle reflète la réalité du fonctionnement politique et institutionnel d'un État et nécessite souvent une interprétation pour être pleinement adaptée aux nouveaux contextes sociaux et politiques.
Renvoie au contenu des normes constitutionnelles
Article 16 DDHC 1789
"Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution"
La garantie des droits consiste à assurer la protection et le respect des droits fondamentaux au sein d'un État. Cela implique l'existence de mécanismes juridiques tels que les cours constitutionnelles, qui ont pour mission de veiller à la conformité des lois avec la constitution, et les tribunaux, qui protègent les droits individuels. Les constitutions modernes incluent souvent une charte ou une déclaration des droits qui énumère ces droits et principes fondamentaux. Les droits protégés peuvent comprendre la liberté d'expression, la protection de la vie privée, le droit à un procès équitable, et bien d'autres droits civils et politiques essentiels.
I. La garantie des droits
A. Généralisation des déclarations des droits
Période anglaise (Enlightenment)
- Magna Carta (1215) : Défense des libertés individuelles, interdiction des arrestations arbitraires sans jugement légal.
- Petition of Right (1628) : Confirmation des libertés des sujets, vote des impôts par le Parlement.
- Habeas Corpus (1679) : Interdiction de l'emprisonnement arbitraire sans jugement.
- Bill of Rights (1689) : Base de la monarchie parlementaire anglaise, droits fondamentaux (liberté de pétition, élections libres).
Révolution américaine
- Déclaration de l'État de Virginie (1776) : Première déclaration d'inspiration universelle.
- Bill of Rights américain (1789) : Inclut la liberté d'expression, l'habeas corpus, protection contre les perquisitions abusives.
Siècle des Lumières français
- Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (1789) : Fondement universel des droits naturels (liberté, égalité) et politiques (souveraineté nationale).
Après la Seconde Guerre mondiale
- Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948) : Reconnaissance internationale des droits fondamentaux.
- Instruments régionaux :
- CEDH (1950) : Protège les libertés en Europe.
- Charte africaine des droits de l’Homme (1981) : Vision collective des droits.
- Convention américaine des droits de l’Homme (1969) : Base des droits en Amérique latine.
B. Différentes générations de droits et libertés
Première génération : Droits civils et politiques
- Droits-libertés : Protéger l'individu contre l'État (liberté physique, d'expression, propriété).
- Libertés politiques : Droit de vote, droit de réunion pacifique.
Deuxième génération : Droits économiques et sociaux
- Droits-créances : Intervention de l'État pour réduire les inégalités (droit au travail, à l'éducation, à la sécurité sociale).
- Opposition possible entre droits (ex. : droit de propriété vs droit au logement).
Troisième génération : Droits de solidarité
- Droits collectifs : Environnement, développement, patrimoine commun de l’humanité.
- Limitation : Effectivité souvent déclarative.
Quatrième génération (émergente)
- Liée aux avancées technologiques : NTIC, biotechnologies, intelligence artificielle.
L'État de droit est un principe fondamental selon lequel toutes les actions de l'État doivent être conformes à la loi, laquelle est appliquée de manière impartiale. Cela implique que le pouvoir gouvernemental est limité par le droit, empêchant l'exercice arbitraire de ce pouvoir. Dans un État de droit, l'indépendance de la justice est cruciale, assurant que les juges peuvent appliquer la loi de façon équitable, sans pression ou influence extérieure. De plus, la séparation des pouvoirs, qui distingue les branches législative, exécutive, et judiciaire, est essentielle pour maintenir un équilibre et éviter les abus de pouvoir.
II. L’État de droit
Trois types de relations entre l’État et le droit :
L’État de police
- Pouvoir discrétionnaire : L’autorité administrative peut appliquer des mesures arbitraires selon ses objectifs.
- Absence de limites : Le pouvoir se fixe ses propres contraintes sans contrôle extérieur.
L’État légal
- Primauté de la loi : L’État agit dans les limites de la légalité, mais sans hiérarchie normative supérieure (pas de contrôle constitutionnel).
- Évolution : Progrès par rapport à l’État de police, mais pas de garanties contre des lois abusives.
L’État de droit
- Définition (Carré de Malberg) : Un système où la Constitution garantit les droits individuels et limite le pouvoir exécutif et législatif.
- Pyramide normative (Kelsen) : Les normes juridiques sont hiérarchisées, et un contrôle de constitutionnalité est établi pour garantir leur conformité à la Constitution.
État de droit : Distinction entre sens formel et matériel
Sens formel
- L’État produit le droit et y est soumis (Rechtsstaat).
- Critique : Ce mécanisme peut s’appliquer à des régimes autoritaires qui respectent uniquement des procédures formelles (ex. : États nazi ou soviétique).
Sens matériel
- L’État respecte un contenu normatif supérieur, notamment les droits et libertés des individus.
- Approche substantielle : L’État de droit implique des valeurs universelles (démocratie, droits de l’Homme).
Reconnaissance internationale de l’État de droit
Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (1990)
- La Charte de Paris désigne « les droits de l’Homme, la démocratie et l’État de droit » comme fondements de l’Europe nouvelle.
Union européenne (Article 2 TUE)
- Respect des valeurs de dignité humaine, démocratie et État de droit.
ONU (Rapport de Kofi Annan, 2005)
- Développement, sécurité et droits de l’Homme sont interdépendants et nécessitent le respect de l’État de droit.