Le poète, qui s’exprime à la première personne (“je” ; “mes”), adopte une attitude décontractée : “les poings dans mes poches trouées”. Le verbe « m’en allait » introduit déjà le thème de l’errance.
Ce qui transparait dans la métaphore « Les poings dans mes poches crevées », c’est la pauvreté du poète ! D'abord, les poings sont forcément des mains vides. Ensuite, les poches crevées perdent ce qu'elles contiennent. Et pourtant, le poète multiplie les pronoms possessifs, que l'on trouve d'ailleurs dès dans le titre du poème : quelque chose de plus important dépasse cette misère physique.
Il ne semble pas vraiment en souffrir comme le montre l’allitération en -m (“m’en” ; “mes” ; “mon” ; “Muse” ; “amours”) dans l’ensemble de la strophe qui véhicule un sentiment de douceur et de confort en contradiction avec les difficultés matérielles.
Ce que confirme l’emploi du mot « paletot », particulièrement intéressant par sa sonorité : on entend « pâle » et « tôt » des mots qui s'appliquent bien au voyageur fatigué par une journée de marche. Le poète est à l'image de son manteau : crevé, mais proche de l'idéal. L’apostrophe à la muse qui, écrite avec une majuscule, peut évoquer une déesse, ou du moins quelqu’un à qui le chevalier errant ferait allégence. Dans la littérature, on trouve le motif bien connu du chevalier errant, qui plaît beaucoup aux romantiques. Cette référence est renforcée par l’emploi du mot « féal ». Il s’agit davantage d’un cliché romantique dont il se moque comme le montre les interjections « Oh ! là ! là » mais aussi l’emploi de l’adjectif « splendides » (l’interjection est parfaitement décalée. Rimbaud en fait trop pour ne pas être ironique.
Par ailleurs, l’habitude transparaît également dans le temps qui domine l’ensemble du poème : l’imparfait à valeur itérative (d’habitude, de répétition) “allais” ; “devenait” ; “allais” ; “étais” etc.
On relèvera la rime embrassée « crevées ... rêvées » qui est signifiante : le rêve s'oppose à cette réalité où les vêtements ne durent pas. Peut-être même qu'on peut entendre que le rêve a crevé, il s'est dégonflé, comme un ballon. C'est une caractéristique de la poésie de Rimbaud : même dans ses moments d'exaltation, il y a déjà les prémisses d'une lassitude, d'une impatience pour quelque chose d'autre.