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Ma bohème

Définition

Bohème
En mai 1870, Rimbaud n’a que 15 ans, et il a décidé de devenir poète. Alors, il envoie une lettre à Théodore de Banville, le grand poète parnassienMais déjà, on perçoit une certaine auto-dérision : c'est banal, ce sont des chimères. Trois mois plus tard, il fugue, et il expérimente une vie de bohème, qui est surtout une vie d'errance et de dénuement. Mais cela va complètement changer sa manière d'écrire : il mûrit une méthode inouïe qu'il présentera à son professeur de rhétorique, Georges Izambard« Ma Bohème » se trouve justement à la charnière de ces deux époques, à un moment où Rimbaud se détache de ses premières admirations et commence à élaborer cette méthode : vous allez voir que toute sa poétique en est bouleversée.
Rime
Comment, à travers ce sonnet, Rimbaud montre une volonté de renouveler la poésie à travers l’errance ?

UN PAUVRE POETE

 Le poète, qui s’exprime à la première personne (“je” ; “mes”), adopte une attitude décontractée : “les poings dans mes poches trouées”. Le verbe « m’en allait » introduit déjà le thème de l’errance.

 Ce qui transparait dans la métaphore « Les poings dans mes poches crevées », c’est la pauvreté du poète ! D'abord, les poings sont forcément des mains vides. Ensuite, les poches crevées perdent ce qu'elles contiennent. Et pourtant, le poète multiplie les pronoms possessifs, que l'on trouve d'ailleurs dès dans le titre du poème : quelque chose de plus important dépasse cette misère physique. 

Il ne semble pas vraiment en souffrir comme le montre l’allitération en -m (“m’en” ; “mes” ; “mon” ; “Muse” ; “amours”) dans l’ensemble de la strophe qui véhicule un sentiment de douceur et de confort en contradiction avec les difficultés matérielles.

Ce que confirme l’emploi du mot « paletot », particulièrement intéressant par sa sonorité : on entend « pâle » et « tôt » des mots qui s'appliquent bien au voyageur fatigué par une journée de marche. Le poète est à l'image de son manteau : crevé, mais proche de l'idéal.  L’apostrophe à la muse qui, écrite avec une majuscule, peut évoquer une déesse, ou du moins quelqu’un à qui le chevalier errant ferait allégence. Dans la littérature, on trouve le motif bien connu du chevalier errant, qui plaît beaucoup aux romantiques. Cette référence est renforcée par l’emploi du mot « féal ». Il s’agit davantage d’un cliché romantique dont il se moque comme le montre les interjections « Oh ! là ! là » mais aussi l’emploi de l’adjectif « splendides » (l’interjection est parfaitement décalée. Rimbaud en fait trop pour ne pas être ironique.

 Par ailleurs, l’habitude transparaît également dans le temps qui domine l’ensemble du poème : l’imparfait à valeur itérative (d’habitude, de répétition) “allais” ; “devenait” ; “allais” ; “étais” etc.

 On relèvera la rime embrassée « crevées ... rêvées » qui est signifiante : le rêve s'oppose à cette réalité où les vêtements ne durent pas. Peut-être même qu'on peut entendre que le rêve a crevé, il s'est dégonflé, comme un ballon. C'est une caractéristique de la poésie de Rimbaud : même dans ses moments d'exaltation, il y a déjà les prémisses d'une lassitude, d'une impatience pour quelque chose d'autre. 

UN PETIT POUCET POETE

 Ce mouvement s’ouvre sur la métaphore de la pauvreté avec «Mon unique culotte avait un large trou ». Ce qui n’empêche pas la créativité comme le confirme le rejet « des rimes ». Ainsi le poète disperce des rimes durant son errance. Cette créativité, ainsi, pourra peut-être germer et porter ses fruits. Le trou, qui symbolise un manque, devient la source d'une richesse, comme une corne d'abondance. 

 Avec le Petit-Poucet, Rimbaud fait référence au genre du conte de fées et à l'univers de l'enfance. Le rêve revient une deuxième fois, c'est un polyptote. Rimbaud développe cet imaginaire enfantin, tout en insistant sur l'aspect révolu de l'imparfait : celui qui parle ainsi évoque avec nostalgie une époque passée.

 La course du Petit-Poucet est imitée par les allitérations en R qui sont parsemées à travers le texte. Les enjambements entraîne le lecteur dans cette « course des rimes » qu'on entend bien en lisant le texte à l'oral. La « course » c'est aussi implicitement la course du soleil : et en effet, cela annonce la tombée de la nuit avec l'apparition des étoiles. 

Cette auberge animalisée n'a rien d'humain : la bohème de Rimbaud est dans la Nature, pas dans la ville. 

Dans le même sens, le « doux frou-frou » des étoiles s'oppose au « large trou » de la culotte de Rimbaud. Sur une robe, les frou-frous symbolisent le luxe, le superflu, des accessoires décoratifs, attrayants mais inutiles. C'est exactement ce que Rimbaud reproche aux bijoux des parnassiens, ce n'est pas de l'art, c'est de l'ornementation. 

Dans le même sens, le « doux frou-frou » des étoiles s'oppose au « large trou » de la culotte de Rimbaud. Sur une robe, les frou-frous symbolisent le luxe, le superflu, des accessoires décoratifs, attrayants mais inutiles. C'est exactement ce que Rimbaud reproche aux bijoux des parnassiens, ce n'est pas de l'art, c'est de l'ornementation. 

LA VERITABLE BLESSURE DU POETE

A travers ces deux tercets, il s’agit surtout un moment de pause dans le poème et non d’une volta. Chez Rimbaud, « assis » est souvent connoté négativement. 

Le pluriel des routes insiste sur la répétition et la durée de l'imparfait. Si les étoiles écoutées sont des poètes, alors les routes représentent en quelque sorte l'Histoire Littéraire elle-même. Voilà pourquoi Rimbaud évoque cette étrange pause sur le bord des routes : il contemplait le cheminement des anciens poètes dans l'Histoire, avant de s'y engager lui-même.

« Ces bons soirs de septembre » c'est-à-dire, le mois des vendanges : Rimbaud évoque le moment où les rimes semées portent leurs fruits pour devenir un « vin de vigueur »... À travers tout un processus de fermentation, de distillation… Et en effet, le verbe écouter à l'imparfait dans le premier tercet devient très vite rimer au participe présent. La perception a permis la création.  Les pronoms « où » qui devraient reprendre un lieu, font en fait référence à ce « mois de septembre » : le cheminement est temporel, et les routes ont bien une dimension symbolique pour un parcours, une évolution. Le lecteur est emporté dans ce mouvement, à travers une longue phrase qui se prolonge sur les deux tercets, avec l'enjambement qui renvoie le complément du nom au vers suivant.

 Le mot « vigueur » contient le mot « vie » où il désigne justement les richesses que le voyage apporte lorsqu'on atteint l'inconnu (cf. Le Bateau ivre)  On trouve alors le poète « rimant au milieu des ombres fantastiques ». En littérature, le fantastique est caractérisé par la l'intrusion du surnaturel, c'est-à-dire, d'éléments qui sortent du monde réel tel que nous le connaissons. Pour paraphraser la lettre du voyant, le poète ramène de l’informe depuis un autre monde.  La lyre noble du lyrisme est rapprochées des élastiques avec leur sonorité étrange, qui désignent les lacets des chaussures : le genre élevé est rabaissé au niveau des pieds. C'est typiquement le registre burlesque : traiter un sujet noble de manière triviale.  Rimbaud se moque de ce « lyrisme fantastique », qui prend alors le sens de « fantasque ». Pour Rimbaud, les poètes (romantiques notamment) mettent un peu trop l'accent sur la première personne. Or ici, regardez « comme des lyres, je […] » 

 Dans l'expression « mes souliers blessés » c'est une métonymie (un glissement par proximité) : ce sont ses pieds qui sont blessés. Mais c'est aussi une hypallage qui contamine tout le poème : tout est blessé : le cœur, le poète, les poches crevées, la culotte trouée, les étoiles sont elles-mêmes des trous, jusqu'aux gouttes de rosée qui s'approchent de gouttes de sang.  Traditionnellement, le sonnet se termine sur une pointe : un effet de surprise final. Mais ici, le dernier vers est particulièrement énigmatique : le « pied » est rapproché du « cœur » avec un effet de contraste très fort : le cœur, le siège des émotions, est aussi blessé que le pied par les cailloux de la route. Le rêve est fatalement blessé par la réalité.

CONCLUSION

Dans ce poème, le dénuement extrême de la vie de bohème permet d'accéder en fait à une grande richesse symbolique : l'errance correspond chez Rimbaud à une recherche constante, qui fonde une esthétique personnelle et originale, où le rêve se brise parfois contre la réalité. Il renie alors les anciennes formes de poésie, se moquant du lyrisme romantique et des prétentions parnassiennes, pour chercher sa propre voie. Sa poésie et sa bohème sont finalement une seule et même chose : un dérèglement des sens qui permet d'atteindre un inconnu.


Ma bohème

Définition

Bohème
En mai 1870, Rimbaud n’a que 15 ans, et il a décidé de devenir poète. Alors, il envoie une lettre à Théodore de Banville, le grand poète parnassienMais déjà, on perçoit une certaine auto-dérision : c'est banal, ce sont des chimères. Trois mois plus tard, il fugue, et il expérimente une vie de bohème, qui est surtout une vie d'errance et de dénuement. Mais cela va complètement changer sa manière d'écrire : il mûrit une méthode inouïe qu'il présentera à son professeur de rhétorique, Georges Izambard« Ma Bohème » se trouve justement à la charnière de ces deux époques, à un moment où Rimbaud se détache de ses premières admirations et commence à élaborer cette méthode : vous allez voir que toute sa poétique en est bouleversée.
Rime
Comment, à travers ce sonnet, Rimbaud montre une volonté de renouveler la poésie à travers l’errance ?

UN PAUVRE POETE

 Le poète, qui s’exprime à la première personne (“je” ; “mes”), adopte une attitude décontractée : “les poings dans mes poches trouées”. Le verbe « m’en allait » introduit déjà le thème de l’errance.

 Ce qui transparait dans la métaphore « Les poings dans mes poches crevées », c’est la pauvreté du poète ! D'abord, les poings sont forcément des mains vides. Ensuite, les poches crevées perdent ce qu'elles contiennent. Et pourtant, le poète multiplie les pronoms possessifs, que l'on trouve d'ailleurs dès dans le titre du poème : quelque chose de plus important dépasse cette misère physique. 

Il ne semble pas vraiment en souffrir comme le montre l’allitération en -m (“m’en” ; “mes” ; “mon” ; “Muse” ; “amours”) dans l’ensemble de la strophe qui véhicule un sentiment de douceur et de confort en contradiction avec les difficultés matérielles.

Ce que confirme l’emploi du mot « paletot », particulièrement intéressant par sa sonorité : on entend « pâle » et « tôt » des mots qui s'appliquent bien au voyageur fatigué par une journée de marche. Le poète est à l'image de son manteau : crevé, mais proche de l'idéal.  L’apostrophe à la muse qui, écrite avec une majuscule, peut évoquer une déesse, ou du moins quelqu’un à qui le chevalier errant ferait allégence. Dans la littérature, on trouve le motif bien connu du chevalier errant, qui plaît beaucoup aux romantiques. Cette référence est renforcée par l’emploi du mot « féal ». Il s’agit davantage d’un cliché romantique dont il se moque comme le montre les interjections « Oh ! là ! là » mais aussi l’emploi de l’adjectif « splendides » (l’interjection est parfaitement décalée. Rimbaud en fait trop pour ne pas être ironique.

 Par ailleurs, l’habitude transparaît également dans le temps qui domine l’ensemble du poème : l’imparfait à valeur itérative (d’habitude, de répétition) “allais” ; “devenait” ; “allais” ; “étais” etc.

 On relèvera la rime embrassée « crevées ... rêvées » qui est signifiante : le rêve s'oppose à cette réalité où les vêtements ne durent pas. Peut-être même qu'on peut entendre que le rêve a crevé, il s'est dégonflé, comme un ballon. C'est une caractéristique de la poésie de Rimbaud : même dans ses moments d'exaltation, il y a déjà les prémisses d'une lassitude, d'une impatience pour quelque chose d'autre. 

UN PETIT POUCET POETE

 Ce mouvement s’ouvre sur la métaphore de la pauvreté avec «Mon unique culotte avait un large trou ». Ce qui n’empêche pas la créativité comme le confirme le rejet « des rimes ». Ainsi le poète disperce des rimes durant son errance. Cette créativité, ainsi, pourra peut-être germer et porter ses fruits. Le trou, qui symbolise un manque, devient la source d'une richesse, comme une corne d'abondance. 

 Avec le Petit-Poucet, Rimbaud fait référence au genre du conte de fées et à l'univers de l'enfance. Le rêve revient une deuxième fois, c'est un polyptote. Rimbaud développe cet imaginaire enfantin, tout en insistant sur l'aspect révolu de l'imparfait : celui qui parle ainsi évoque avec nostalgie une époque passée.

 La course du Petit-Poucet est imitée par les allitérations en R qui sont parsemées à travers le texte. Les enjambements entraîne le lecteur dans cette « course des rimes » qu'on entend bien en lisant le texte à l'oral. La « course » c'est aussi implicitement la course du soleil : et en effet, cela annonce la tombée de la nuit avec l'apparition des étoiles. 

Cette auberge animalisée n'a rien d'humain : la bohème de Rimbaud est dans la Nature, pas dans la ville. 

Dans le même sens, le « doux frou-frou » des étoiles s'oppose au « large trou » de la culotte de Rimbaud. Sur une robe, les frou-frous symbolisent le luxe, le superflu, des accessoires décoratifs, attrayants mais inutiles. C'est exactement ce que Rimbaud reproche aux bijoux des parnassiens, ce n'est pas de l'art, c'est de l'ornementation. 

Dans le même sens, le « doux frou-frou » des étoiles s'oppose au « large trou » de la culotte de Rimbaud. Sur une robe, les frou-frous symbolisent le luxe, le superflu, des accessoires décoratifs, attrayants mais inutiles. C'est exactement ce que Rimbaud reproche aux bijoux des parnassiens, ce n'est pas de l'art, c'est de l'ornementation. 

LA VERITABLE BLESSURE DU POETE

A travers ces deux tercets, il s’agit surtout un moment de pause dans le poème et non d’une volta. Chez Rimbaud, « assis » est souvent connoté négativement. 

Le pluriel des routes insiste sur la répétition et la durée de l'imparfait. Si les étoiles écoutées sont des poètes, alors les routes représentent en quelque sorte l'Histoire Littéraire elle-même. Voilà pourquoi Rimbaud évoque cette étrange pause sur le bord des routes : il contemplait le cheminement des anciens poètes dans l'Histoire, avant de s'y engager lui-même.

« Ces bons soirs de septembre » c'est-à-dire, le mois des vendanges : Rimbaud évoque le moment où les rimes semées portent leurs fruits pour devenir un « vin de vigueur »... À travers tout un processus de fermentation, de distillation… Et en effet, le verbe écouter à l'imparfait dans le premier tercet devient très vite rimer au participe présent. La perception a permis la création.  Les pronoms « où » qui devraient reprendre un lieu, font en fait référence à ce « mois de septembre » : le cheminement est temporel, et les routes ont bien une dimension symbolique pour un parcours, une évolution. Le lecteur est emporté dans ce mouvement, à travers une longue phrase qui se prolonge sur les deux tercets, avec l'enjambement qui renvoie le complément du nom au vers suivant.

 Le mot « vigueur » contient le mot « vie » où il désigne justement les richesses que le voyage apporte lorsqu'on atteint l'inconnu (cf. Le Bateau ivre)  On trouve alors le poète « rimant au milieu des ombres fantastiques ». En littérature, le fantastique est caractérisé par la l'intrusion du surnaturel, c'est-à-dire, d'éléments qui sortent du monde réel tel que nous le connaissons. Pour paraphraser la lettre du voyant, le poète ramène de l’informe depuis un autre monde.  La lyre noble du lyrisme est rapprochées des élastiques avec leur sonorité étrange, qui désignent les lacets des chaussures : le genre élevé est rabaissé au niveau des pieds. C'est typiquement le registre burlesque : traiter un sujet noble de manière triviale.  Rimbaud se moque de ce « lyrisme fantastique », qui prend alors le sens de « fantasque ». Pour Rimbaud, les poètes (romantiques notamment) mettent un peu trop l'accent sur la première personne. Or ici, regardez « comme des lyres, je […] » 

 Dans l'expression « mes souliers blessés » c'est une métonymie (un glissement par proximité) : ce sont ses pieds qui sont blessés. Mais c'est aussi une hypallage qui contamine tout le poème : tout est blessé : le cœur, le poète, les poches crevées, la culotte trouée, les étoiles sont elles-mêmes des trous, jusqu'aux gouttes de rosée qui s'approchent de gouttes de sang.  Traditionnellement, le sonnet se termine sur une pointe : un effet de surprise final. Mais ici, le dernier vers est particulièrement énigmatique : le « pied » est rapproché du « cœur » avec un effet de contraste très fort : le cœur, le siège des émotions, est aussi blessé que le pied par les cailloux de la route. Le rêve est fatalement blessé par la réalité.

CONCLUSION

Dans ce poème, le dénuement extrême de la vie de bohème permet d'accéder en fait à une grande richesse symbolique : l'errance correspond chez Rimbaud à une recherche constante, qui fonde une esthétique personnelle et originale, où le rêve se brise parfois contre la réalité. Il renie alors les anciennes formes de poésie, se moquant du lyrisme romantique et des prétentions parnassiennes, pour chercher sa propre voie. Sa poésie et sa bohème sont finalement une seule et même chose : un dérèglement des sens qui permet d'atteindre un inconnu.

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